Les villes au Moyen Age

Les Villes au Moyen Age - La Documentation Photographique - N°5-270 - décembre 1966


Les deux aspects principaux de l'histoire des villes médiévales, institutionnel d'une part, archéologique d'autre part, ayant souvent été dissociés, on s'est efforcé ici de les rapprocher. C'est le cours même de l'histoire qui a modelé l'évolution des villes, tout particulièrement en France. Les villes allemandes en effet, plus récentes, offrent davantage d'unité; les villes espagnoles, sous l'influence de l'occupation arabe, ont certains traits des souks du monde islamique; quant aux villes italiennes et anglaises, leur développement présente une grande originalité à partir du XIIe siècle (Planche 6).

Au cours du Haut Moyen Age, la vie urbaine en Gaule, après avoir été très éprouvée par les invasions germaniques du IIIe siècle, eut à subir le choc des invasions normandes, périclitant ainsi à deux reprises au bénéfice de l'économie rurale et domaniale. Mais c'est avec vigueur qu'elle renaît au XIIe siècle, en même temps que reprennent les échanges commerciaux. La ville française du XIIIe siècle reste d'étendue et de population moyennes si l'on excepte Paris, la ville alors la plus peuplée d'Europe — mais sa structure et son architecture ne s'en renouvellent que plus aisément. D'où la complexité de l'histoire urbaine. En France même, les régions du nord et du sud de la Loire présentent des types de villes divers, en dépit d'une origine commune remontant à l'époque romaine — On peut comparer par exemple une ville flamande (Planche 1), une ville du centre de la France (Diapositive 3) et une ville provençale (Diapositive 4) à peu près contemporaines. Elles n'en offrent pas moins, surtout à partir du XIIIe siècle, des traits communs, bien que, souvent, des circonstances politiques, économiques ou juridiques bien différentes leur aient donné naissance : c'est ainsi que l'on notera de frappantes similitudes entre des villes de commune* et des villes de consulat* (Planches 11, 11 et 12).

Armoiries de la ville de Toulouse.


On voit à gauche le château Narbonnais et à droite Saint-Sernin. Ces deux édifices symbolisent l'union en une seule commune des deux parties de la ville : la cité antique et le bourg abbatial.
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La renaissance du commerce a joué un rôle prépondérant dans le développement des villes : villes de foires, bénéficiant de leur situation sur les grands axes de communication terrestres ou fluviaux (villes de Champagne), villes de port (Planche 16) et villes de marchés (Planche 15). Le trafic des marchandises et les débuts de l'industrie — notamment ceux de l'industrie drapière — apparaissent étroitement liés.

Au cours du XIIe siècle, tout en s'émancipant de la tutelle épiscopale ou seigneuriale, les communautés d'habitants des villes se sont insérées dans l'ordre féodal; elles obtiennent la reconnaissance de leur existence juridique par l'octroi de chartes* de franchises (Diapositive 1) ou du privilège de commune*. Les rois de France, au fur et à mesure que s'affermit leur pouvoir, s'efforcent d'utiliser à leur profit cette nouvelle puissance qui s'affirme dans les domaines de la politique, de l'économie et de la vie sociale (Planche 7). La fondation de villes neuves et de bastides* fournit aux Capétiens et à leurs rivaux, les rois d'Angleterre, l'occasion d'étendre et de fortifier leur autorité, en créant de nouveaux habitats et en suscitant de vastes défrichements (Planche 9 Une fondation anglaise, Libourne. - Diapositive 2 : Une bastide française, Villefranche-de-Rouergue). Dès la fin du XIIIe siècle, les villes passent sous le contrôle plus étroit du pouvoir royal, mais en conservant leurs organes administratifs et leurs structures sociales (bourgeoisie*, communautés* de métiers, etc.)

L'examen des institutions ne suffit pas pour distinguer les petites villes (Planche 8) et les gros villages, ceux-ci ayant parfois bénéficié, eux aussi, de chartes de franchises*. Mais alors qu'à partir du XIIIe siècle, la classe rurale connaît une aggravation de la servitude, le bourgeois* de la ville est de condition libre. A l'intérieur du « mur de ville », qui est figuré à titre de symbole sur nombre de sceaux municipaux (Planche 10), il existe indiscutablement une civilisation et une vie urbaines, jeux et fêtes, terribles fléaux des épidémies et du feu (Planche 14), vie intellectuelle (naissance au XIIIe siècle d'une littérature « bourgeoise » réaliste et satirique); c'est dans les villes que s'épanouit l'architecture gothique. En cas de danger, la ville sert de refuge aux habitants des campagnes voisines. Lieu fortifié, dont les enceintes successives permettent de dater les étapes de croissance (Planche 5), elle participe à toutes les vicissitudes des guerres (Planche 13). Dans les premières années de la guerre de Cent Ans, la disette, l'insécurité et la misère donnent lieu à un véritable exode rural vers les villes.

Il demeure de nombreux monuments pour évoquer la puissance et la vie active des villes médiévales (Planche 2). Mais, à travers les transformations apportées par les siècles au paysage urbain, il est souvent difficile de reconstituer l'évolution de leur topographie. On ne peut dissocier l'étude de celle-ci, ainsi que l'examen des sources iconographiques — enluminures de manuscrits (Planches 3 et 8), plans des XVIe et XVIIe siècles (Planche 4) — de l'histoire générale, des faits complexes de la vie politique et sociale et de l'évolution économique et institutionnelle. La diversité même des disciplines que met en oeuvre l'étude des villes médiévales est une preuve évidente de la complexité du phénomène urbain. Les villes de France ne sont devenues très peuplées qu'à partir du XIXe siècle, mais le premier essor de la plupart d'entre elles date du Moyen Age.

Le présent dossier a été réalisé avec la collaboration de Marie-Clotilde HUBERT Bibliothécaire à la Bibliothèque Nationale



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